Je serre les dents et respire aussi bien que je peux quand j’entame mes dernières poussées sur cette à presse à cuisse de merde. 5… PUTA*N ! 4 ! Why the fuck did I increase the weight so much ?* pesté-je en mentalement en tournant la tête vers les vitres les plus proches. 3 ! J’essaye de regarder les vagues qui s’écrasent contre les rochers pour. 2 ! ME CONCENTRER SUR AUTRE CHOSE BORDEL 1 !

OUF. Et je peux enfin relâcher mes jambes, URGH ! Je souffle très fort, la respiration saccadée. Sans bouger mon corps, je tâtonne sur le sol à la recherche de ma serviette, puis m’efface la face qui dégouline de sueur. Shit was that a pain in the ass**. Ça m'apprendra à passer autant de temps dans un style de vie quasi-sédentaire et à tout vouloir reprendre d’un coup. Geez !

Je pose un pied sur le sol, puis me redresse très lentement. Je vérifie que je tiens réellement sur mes deux jambes avant de boire le reste de ma gourde cul sec, en me disant aussi que c’est sympa d’avoir la salle de sport au niveau de la mer, y a de quoi se distraire en torturant ses muscles. Bon allez, shower time. J’ai pas envie de passer une seconde de plus limite collante. Encore contente de mes gènes japonais, hein, sinon je me serais transformée en blob. Erk.

Et quelques instants plus tard, je sors penaude de la douche et m’enveloppe dans mes serviettes.

CLANG.

… C’était quoi ça ?

Je me précipite à l’extérieur des vestiaires, qui ouvrent directement sur le couloir. Ouais je suis toujours en serviette mais ça c’est qu’un détail: quand on a grandi dans un pays avec la possibilité d’avoir un active shooter dans les environs chaque jour, on réagit assez vite aux bruits soudains.

– Oh wow, il s’est passé quoi ici ? demandé-je à la personne au regard effaré.

Je siffle en constatant l'étendue du dommage: les mille morceaux de ce qui était un vase il y a cinq minutes.

– En tous cas c’est un sacré puzzle.

– Bah, je crois que c’est facile à deviner. J’ai voulu tester mes réflexes au foot. J’ai mal calculé mon coup.

Je cligne des yeux et pince un peu la bouche, confuse. Je veux dire, le terrain est littéralement à quelques mètres. Je dis rien though, me contentant de regarder le gars s’asseoir et euh, il essaye vraiment de recoller les morceaux ? Dude.

– Vous feriez bien de rhabiller mademoiselle. Vous allez attraper froid.

Je re-cligne des yeux. Puis re-re-cligne des yeux quand je vois l’espèce de euh, hologramme de fleur qui m’enveloppe ? Mais j’ai pas le temps de causer au gars qui me traite comme le vase qu’il vient de casser, parce que j’attrape un ou deux passants dont les yeux se baladent un peu trop bas par rapport à mon visage. Donc je me tourne vers eux, passe ma main chargée de pouvoir d’un coup transversal à travers l'herbe niaise pour l’effacer, croise les bras et les fixe droit dans les yeux, un à un.

– Y a quoi, les mecs ? Vous avez jamais vu de meuf sortir de la douche ? leur lancé-je, gloussant amèrement.

Et je les fixe bien le temps qu’ils comprennent et qu’ils se cassent. Pfft. Je peste en rentrant dans les vestiaires, pas que je sois complexée par mon corps, mais franchement, flemme de choper un rhume avec la clim. Donc j’enfile le bon vieux sweat-short, garde la serviette dans mes cheveux, prend mon sac puis ressort vers les couloirs. Normalement, je me serais mêlée de ce qui me regarde, mais limite ça m’énerve que le mec se casse la tête avec un vase cassé. No pun intended.

– Yo, franchement, je pense qu’il vaut mieux aller expliquer ça à coach Piacentini. C’est qu’un vase, à devrait pas être la fin du monde.

Je marque une pause et soupire. Je pense que même avec la meilleure colle forte de l’île, ça servira à rien. Tatiana Piacentini est une ex-styliste connue pour remarquer les moindres détails du moindre endroit, de la moindre pièce qu’elle voit, ça m’étonnerait qu’elle ne remarque rien. Puis genre évite la galanterie gratuite, ça me saoule. Bon j’aurais peut-être dit ça à voix haute s’il avait moins l’air d’être au bout de sa vie.

– Peut-être, oui, je peux lui expliquer. J’ai juste peur. Peur qu’elle me fasse retourner à ma vie sans exploiter ma magie à son plein potentiel. Je ne suis pas le plus doué en foot comme tu vois.

Je retiens un rire de justesse et c’est plus fort que moi. Man, c’est quoi cette drama queen sur laquelle je tombe aujourd’hui ? Je tourne la tête et pose une main sur ma bouche pour juste avoir eu l’air d’avoir éternué ou quoi.

… Attendez c’est quoi ce poster de DnD qu’il vient de me sortir ? De quoi qu’il est l’homme de la situation ? S’il se fait pas vir— Ok j’en peux plus là, j’éclate de rire. Super fort. Et genre j’essaye pas du tout de me retenir parce que là, c’est un peu too much pour cinq minutes. Non seulement le mec a l’air de vouloir crever pour un pauvre vase, mais en plus, j’ai l’impression qu’il a pris la campagne publicitaire de l’île un peu trop au sérieux. Je pense pas que ce soit un RPG où on va découvrir des secrets ou je sais pas quelle autre connerie par ici.

Puis pour tout bien wrap up, il me fait une révérence et me met des espèces de lumières dans les cheveux, et là ça commence à devenir moins drôle. J’inspire et expire en les éteignant, puis lui tend son poster.

– Bon, si t’essayais de me draguer, c’est raté. Je marque une pause, soupire en gloussant. Sinon, évite les révérences et autres conneries, please. Je sais que le QG ressemble à un château, mais je te jure que je suis pas une demoiselle en détresse. Et là mon ton est ferme, et je le regarde droit dans les yeux.

Geez, imaginez j’ai affaire à un de ces mecs qui veulent relancer les Croisades et se prennent pour des soldats de Raymond de Saint-Gilles ? Ou un MJ de DnD toxique ? Genre les mecs qui achètent des armes en mousse et pensent que toutes les meufs ont besoin d’eux ? Gross.

Bon, au prochain red flag, je me taille.

– T’es sûr que tu veux aller déranger la coach pour un vase ? Style, quand je voulais dire qu’il valait mieux lui expliquer ce qu’il s’est passé, je voulais pas dire tout de suite, hein.

Ouais parce que flemme qu’il me fasse porter le chapeau s’il dérange la coach au milieu d’une réunion ou quoi. Si ce type est vraiment un manager, je risque de pas passer beaucoup de temps sans le voir, donc le mieux c’est qu’on garde des relations cordiales.

Puis le gars part en tirade et plus il cause plus je hausse les sourcils. Ok il est carrément sur la défensive et ça peut vouloir dire que deux choses: soit il avait réellement que l’intention d’être sympa soit c’est bien Raymond de Saint Gilles réincarné et qui sait quoi dire quand on le confronte. Mais vu sa PLS totale et style depuis le début, je penche plus vers l’option une--- hein ?

– Oh wow wow wow, calma. Fais-je en agitant les mains et en clignant des yeux. J’ai jamais dit que t’avais peur de la coach, juste que je voyais pas l’utilité d’aller lui causer de suite pour un vase cassé.

Sheesh, c’est raté pour pas porter le chapeau si ça se passe mal. Je soupire.

– Vaut mieux que je lui dise au plus tôt. Je peux attendre qu’elle revienne. Ça oui. Je suis… Un adulte responsable.

Gros help. Je remets la main devant ma bouche pour retenir un rire. Ok, au final, c’est peut-être un Naruto que j’ai devant moi, pas un Raymond de Saint-Gilles. Je veux dire, la pause dans ses paroles, sa façon de formuler les choses, je vous jure, vous le mettez au milieu d’un de ces shows, on le discerne pas des personnages.

Je me racle la gorge, regarde le sol en serrant les lèvres autant que je peux pour pas péter de rire. Parce que le mec est VRAIMENT en PLS, et que je maintenant que je sais pour sûr que c’est un manager, on va éviter de partir sur de mauvaises bases. Donc j’acquiesce sans le regarder.

– Ok, ouais, fais ça. Comporte-toi en euh, adulte responsable.

Ouais merde, je suis pas très convaincante. To say the least. J'ouvre la bouche pour continuer ma phrase, essayer de formuler mon au revoir de la façon la plus polie que je peux avant de me tailler, mais je vois un truc au fond du couloir, quelqu'un. Et pas n'importe qui, la coach, qui me regarde moi et le gars. Donc j'en conclue que je peux pas me tailler, à moins de donner mauvaise impression dès le début et ça, c'est pas possible. Ah, f**king hell. Je lève les yeux au ciel et m'exaspère silencieusement. Parce que j'ai pas un bon pressentiment.

Attendez quoi ? Mais j’ai rien f---- comment ça c’est pas ça le sujet ? C’est quoi le sujet b##del ? J’avais des plans pour la journée moi ! En plus je crève de faim !

Mais le temps que je rassemble les mots dans ma tête, elle a disparu ! “Joudan desu ka?!”* pesté-je en levant la tête vers le plafond, les bras croisés au-dessus. RHOOOOOOOO ! RHO ! Et maintenant va falloir que je me colporte ce mec pendant au moins une autre heure ! Tuez-moi ! J’ai eu assez de drama pour la journée !

Je serre les poings et soupire aussi silencieusement que je peux. Allez, Ayu. Tu peux pas te casser, quand même. Ça me fait chier qu’on me donne du taff pendant le mois “d’adaptation” mais je vais pas risquer de donner mauvaise impression. Trop de choses sont en jeu. Donc je crois les bras silencieusement et me dirige vers la terrasse en question.

Puis genre on arrive à peine et regardez le type sortir ses pious-pious de lumière lmao. J’en peux plus. Ok ok, il a bien recollé les morceaux et c’est joli, mais et alors ? C’est pas  l'œuvre du siècle. Surtout après ce que la coach vient de nous montrer. Ca, c’était de la magie.

…

Hold up a f##cking second** il vient de me donner des ordres là ?

Je glousse, m’enfonçant un petit peu plus dans mes baskets. Il veut faire son petit chef ? Bon bah on va voir ce qu’on va voir.

— Pousse-toi, tu veux ? Parce que ça risque de faire mal, lui lancé-je en le regardant droit dans les yeux.

Mal à son ego. Et autre chose, évite de me dire quoi faire. C’est pas comme si t’étais mon patron. Mais je me retiens de le dire. Parce que si on doit être collés pendant les 50 minutes qui suivent d’après le minuteur d’Alberto (oui, j’ai compris que la coach parlait de son colibris), on va éviter de trop envenimer la situation. Pfff.

Je me mets donc devant les débris. Tatiana veut de la magie ? Elle va en avoir. Le mec est trop fier de son résultat et pense que ça lui donne le droit de me parler comme ça ? Il va voir de quel bois je me chauffe. L’énergie court dans mes veines, ma vision se teinte d’un filtre mauve, signe que mes yeux brillent. On m’a souvent dit que c’était un signe de magie forte, mais qu’est-ce que j’en sais. Je repère les prochains bouts et les fait flotter dans mon flux de magie, les lie ensemble d’un geste de la main. Bon bah j’imagine que la déco ce sera des pious-pious ? Même si on m’a pas demandé mon avis ? B##del ce qu’il fait CHIER. Ma magie cille. Très fort avant de revenir à son état normal.

Je soupire, secoue la tête. Focus, Ayu. Je ferme les yeux. Gros flemme d’essayer de penser à quelque chose d’extravagant et qui fera pas tâche avec sa déco à lui, donc je visualise des petits oiseaux qui volent sur mon pan. L’orbe autour des morceaux se pose sur le vase. Les oiseaux auront des larmes qui coulent de leurs yeux. Les morceaux s’agencent donc à leur place, et l’orbe va entre leurs extrémités pour les faire tenir. J’essaye de créer un contraste entre le jour, sa partie, et la nuit, la mienne. Un petit trait d’énergie voit le jour sur l’un des morceaux. Comme quoi je sais aussi peindre, juste en obscurcissant la lumière à la place d’en mettre plus. Rien de quoi strut around like a peaco***----

SWOOSH.

…
C’est pas vrai.

Bien sûr que ça va encore arriver. Au pire des moments. Bien sûr que ma magie va littéralement m’exploser dans la tronche ! J’y allais doucement pourtant ! Et regardez ce que ça donne ! D’un seul coup, tout brille trop fort, se mélange, et se dissipe en vague d’énergie qui m’éjecte tellement fort en arrière que c’est un miracle si je me fracture pas le crâne ! GEEZ !

– F##king hell, ouch ouch ouch…

Je grimace, me tiens la tête, contemplant le désastre et essayant de rentrer la bosse à sa place si c’est ce qui se prépare. Bon, les bouts tiennent, mais à quoi ça sert si y a qu’un fil d’énergie sombre pour les faire tenir entre eux ? Super voyant, qui montre les craquelures et qui laisse de l’espace entre eux, en sus. On dirait que j’ai posé les morceaux et que je me suis tiré aller ! Et encore, heureusement que j'ai pas tout cassé ! Pu#ain, Victor ou Edgar ou je sais plus à pas intérêt à me faire de commentaires. Ou je vous jure, c’est lui qui explose. En plus, il y est pas pour rien ! C’est lui qui m’a énervée !