Merde mais cette tête qui arrête pas de cogner... Bordel...

Je m’appuie sur le rocher derrière moi en appliquant autant de pression que je peux sur le point d’impact et les tempes. Oui, les tempes. Parce que le tapage dans ma tête est bien plus fort que la pauvre bosse qui est en train de naître à la plante de mes cheveux.


Chikushô.

J’enfonce les ongles dans mes paumes alors que les flashs ne gagnent qu’en intensité. J’essaye vraiment de garder mon attention sur ma respiration, mais là, là, je commence à perdre du terrain.

Et puis là, ce ne sont plus que des flashs.

Ce sont des images bien claires.

Mes poings cèdent à mes ongles et lâchent une coulée de sang. Un arrière-gout métallique file de mes lèvres écrasées par mes dents à ma gorge. Mais plus rien n’y fait. Je perds le fil qui m’aidait à sentir ma respiration, donc là, Kyo, c’est game over. Ma vision se floute, mais rien avoir avec le filtre mauve. Non, là, j’ai juste l’impression que je glisse vers une espèce de semi-réalité. Qui rend les merdes qui défilent dans mon esprit encore plus claires.



– … poten… rement… moi… m’épui… der…

Le gars a l’air de me parler.

– H… Hein ? fais-je, ne comprenant qu’à moitié le sens de mon son.

Mais je me rends soudain compte de quelque chose.

C’est que j’ai le souffle coupé.

J’hyperventile.

Depuis je ne sais combien de temps.


Je pose une main sur ma poitrine pour sentir mon pouls, qui défierait bien Usain Bolt, me donne un appui dans la réalité par cette même action. Je cligne des yeux à plusieurs reprises pour essayer de me dégager la vue de ce brouillard, mais rien n’y fait. Holy fucking shit et mais... Mais c'est quoi ce truc ?

Fuck le poivre noir.

Fuck ce qui descend de vos yeux quand vous l'y frottez.

– TIME OUT ! crié-je au colibri.

Et là, l’espace d’un instant, juste l’espace d’un instant, je rassemble toute la force qui me reste encore dans ces jambes qui tremblent et dévale l’escalier vers le pan de sable entre les rochers. J’ai besoin d’air. Et d’eau.

Je cligne des yeux pour essayer de les réhydrater. Bordel, ce que c’est chiant. Bordel ce que c’est chiant de chialer en public. Bordel ce que c’est chiant quand vos yeux sèchent et que vous les sentez secs en sus. Je tire une bouffée fugace de ma cigarette, en lâche l’air graduellement.

De toute, tout ça, c’est à cause du jet-lag. Les cauchemars, les flashbacks, toute cette merde. Puis dans l’absence de défouloir, fatalement la pression monte, surtout quand on s’entraîne quasi non-stop depuis une semaine. Et qu’on tombe dans une situation chiante pour couronner le tout. Heureusement que j’ai pris une boîte de clopes au cas où j’en aurais eu besoin, ce matin. La fumée détend enfin mes nerfs.

Puis quelqu’un descend les escaliers, ah mais croyez moi que ça a absolument pas intérêt à être le g---- Ah non, c’est quelqu’un d’autre, qui a probablement rien avoir avec moi. Je ramène mon attention sur le sable humide sous le sentier rocheux où je suis accroupie, et sur ma clope. Ce sera la dernière avant un bail, donc autant en profiter.

– De l’eau ?

Quand plusieurs secondes en sentant qu’on me regarde s’écoulent sans réponse de son interlocuteurice, je me décide à lever les yeux vers la personne. Ah ok, c'est mou en fait. “Non, merci, ça ira,” réponds-je en ramenant le visage entre l’encadrement de mes épaules. Les inspirations que je tire vibrent encore bizarrement, mais je ne montre rien. If anything, on dirait que j’ai inspiré de travers, c’est tout.

– Ok, fait-elle après un instant. Je laisse ça ici, au cas où. L'entraînement reprend quand tu es prête.

Elle parle comme si elle lisait un énoncé, factuellement. Donc je ne réagis pas. J’attends quelques instants, devine au rythme de ses pas qui ricochent sur le sentier qu'elle est partie, puis après avoir vérifié qu'il n'y avait réellement plus personne, laisse la chaleur de la fumée monter vers mon visage, les yeux clos, le front pressé sur les pointes de mes doigts. Go finir ce puzzle dès que je jette cette clope.

Je tire la dernière bouffée de ma cigarette.

Deux jets d’énergie tranchent la fumée. Je réceptionne ma seconde jambe en regardant l’énergie pulser vers les airs. Les lueurs tombent vers l’eau en débris. Comme un feu d’artifices.

J’ai assez flâné comme ça.

Premier test: est-ce que mes jambes marchent, testé par le biais d’un saut ciseau, réussi. Je procède alors à un étirement méticuleux de chacun de mes autres muscles majeurs pour vérifier que les conneries ont cessé. Bon, it looks like mon corps a décidé d’arrêter de me troller. C’est un bon début.

Je saisis la bouteille que la manager ou je sais pas qui a laissée, vérifie qu’elle est bel et bien nouvelle, puis engloutis la moitié d’une traite, laissant la fraîcheur de l’eau refroidir les veines chauffées par la nicotine - les nerfs avec. J’inspire, expire lentement. On ramène le locus de contrôle vers soi. Damn the fucking days it slips from me*.

Je tire quelques autres gorgées lentes de la bouteille, avant de faire couler le reste sur mon visage et ma tête, histoire que ça les refroidisse pour de bon. Bon, niveau température, on aurait pu faire plus bas, mais je vais pas faire la princesse. Très peu pour moi. Donc je fais craquer mon cou, puis mes doigts, et gravit immédiatement les escaliers pour regagner la terrasse, le vase et le colibri. Hein ? Non, les bros, j’oublie personne. Après la connerie avec les larmichettes et mes jambes qui font pas leur travail, j’ai encore moins envie de faire ami-ami avec le manager qu’on m’a collé pour les prochains quarts d’heure.

Gardant les yeux rivés vers le minuteur, j’enlève mon élastique et me rattache les cheveux correctement, puis commence un petit footing sur place pour m’échauffer. Cool que je me sois pas essuyée les cheveux ou la face, ça m’aidera à pas surchauffer comme avant. Ça reprend d’une seconde à l’autre, et sur ce coup, je ne perdrai pas le contrôle.