Aube et sable dorés • PV Daniel

Donc iel veut se faire son avis sur elle. C’est déjà ça. Enfin, quelles sont les chances pour qu’iel la rencontre ? Ou même pour qu’iel sache que c’est elle ? Je ne lui ai dit ni son nom ni son apparence. Ce qui me dérange, c’est qu’iel se mette à détester une personne hypothétique qu’iel n’a jamais rencontré à cause de moi… Enfin, iel a l’air de laisser le doute, non ? C’est déjà ça. C’est mieux que rien. Nouveau soupir.

La musique change. Ça ressemble bien à un générique, mais que je n’ai jamais entendu. Enfin une chanson où Maya n’est cachée nulle part. Quand iel me dit qu’iel habite aux bungalows, je suis très positivement surpris ! “Oh bah t’en fais pas du coup ! Artem vit là-bas, donc je ne risque pas d’être bien loin de chez toi pendant mon séjour ici.” Je souris. “Au moins la prochaine fois, tu peux être sûr.e que je ne serai pas d’humeur aussi massacrante.” Et je ris, ma façon de m’excuser d’être aussi nonchalant et de lui donner l’impression que je vais me briser toutes les cinq secondes. Pas très cool pour une première rencontre. Iel tombe vraiment pas très bien… Pauvre Daniel.

Je rassemble toute la joie qui reste au fin fond de mon coeur depuis hier, journée pendant laquelle Maya ne m’effleurait même pas l’esprit, lui sourit, et complimente: “Joli chapeau, du coup !” Les fleurs dessus sont trop mignonnes. “Et euh, sinon, je pense que je ne vais pas plus t’embêter. Je sais que c’est pas très agréable de m’avoir sur les bras quand je suis comme ça…” Maya me sourit, m’entraîne danser de force. “Merci beaucoup pour tout ce que tu as fait pour moi aujourd’hui… Maintenant, je sais ce qu’il me reste à faire pour que ça aille mieux.” Et je lui souris encore un peu plus, réellement attendri. Ce qu’iel a fait aujourd’hui était vraiment adorable. Et je pense que j’en serais encore à pleurer près des vagues sans son intervention, et pour ça… Je lui en suis profondément reconnaissant.

J’ouvre grand les yeux et mon cœur se serre quand iel lève le doigt vers mon visage. Mes yeux clignent, réflexe pour les protéger. Quand iel touche mon nez, une exhalation sort de mon nez avant qu’un léger rire ne m’anime. Mais quel numéro. “Ne pense pas que je vais te laisser seul avec ça. Je vais demander à mes cousins ce qu’il faut faire pour t’aider.” Mais quel ange. Plus je lea regarde, plus j’ai l’impression de voir un enfant. Daniel a réellement la pureté d’une âme qui veut guérir toutes les autres sur son chemin. “Quitte à ce que je porte une fichue robe de servante. Ou une tenue de cheerleader. Qu’importe.” Je lève les mains vers le haut, les secoue négativement. J’ouvre des yeux ronds, un peu paniqué sur les bords. “Ouh là, on va pas à en arriver là !” Je force un sourire. “Tu as peut-être une piste. Il faut explorer plusieurs pistes. Mais sache que je ne te laisse pas totalement. Que je serai de retour plus vite pour dire penalty si tu as des soucis.” A ces paroles, mon sourire se fait plus naturel. “Fais attention à qui tu dis ce genre de choses, hein… Tu ne sais jamais sur qui tu pourrais tomber.” Ces mots sortent de ma bouche sur un ton plus bienveillant que je ne le voulais. “Et merci…” Du fond du cœur.

“Je reviens avec des plans d’enfer.” Ces mots et son air m’arrachent un nouveau gloussement. “Je n’en doute pas !”

Puis, je lui dis au revoir. Je lea regarde quitter la plage, écouteurs dans les oreilles. Et plus sa silhouette disparaît de l’horizon, plus le rire de Maya s’intensifie dans mes oreilles. Mon sourire s’amortit sur les bords jusqu’à disparaître, et une nouvelle larme roule sur mes joues. Je secoue la tête et m’essuie les yeux. Allez, j’ai à faire.
Quand je reviens, c’est avec un stylo et un carnet. Je vais trouver refuge près des vagues, l’eau qui inonde le sol dans des cycles de tendresse. Le sel caresse le sable, mon cœur avec. Le soleil, cette fois-ci, est bien levé, mais pas encore à son zénith. Je laisse sa chaleur me donner du courage, inspire, et baisse les yeux vers ma feuille.

“Maya,”

J’écris les premiers mots de la lettre qu’elle n’ouvrira jamais. Une lettre que j’écris pour moi-même, pour y noter tous les non-dits qui ont refait surface. C’est ça que mon inconscient voulait me dire. Qu’il y a des choses que je n’ai pas traité, que je ne lui ai pas dit. Je ne sais même pas si je m’en rendais compte moi-même. Je pensais pourtant avoir fait le tour des non-dits. J’écris donc, laisse l’encre et les larmes couler. Je lui dis tout. Profondément. Sincèrement. Et je ne sais pas si c’est juste aujourd’hui, si c’est juste l’effet du rêve, mais je lui dis aussi qu’il y a une partie de moi qui l’aimera sans doute toujours. Cette partie de mon cœur qui battra toujours à son souvenir. Entre deux mots, je m’arrête des fois pour sangloter, ou pour effacer ma vue trop embuée.

“Tu devrais me voir, je pleure comme un gamin. Et le pire, c’est que je ne sais même pas si j’ai envie de te dire que je t’aime.”

Et c’est vrai. Il y a tant de choses dans ces larmes. De la rage, du dépit, un semblant d’amour, de la tristesse, du manque. Ce ne sont pas des larmes de rupture. Ce sont des larmes qui coulent d'une piqûre de rappel, d’un millier de choses que j’aurais dû lui dire, et d’un millier d’autres choses que je ne saurais commencer à énumérer. Mais je pense tout dire sur les deux grandes pages de mon carnet. Que je ne signe pas. J’inspire, expire, plie la feuille, la met dans la bouteille. J’y ajoute des pierres trouvées sur la plage, me lève puis, de toute ma force, envoie la bouteille vers l’océan. Un jet d’eau. La bouteille doit filer vers le fond, mes tracas avec elle. Je soupire, efface mes dernières larmes, et prend ma forme louve pour aller plus vite vers le chalet. Mon cœur s’allège. Et c'est pas tout, mais je meurs de faim.