Rochers et tarte - Pv Shura

…
J’en peux vraiment plus là.

Iel a vraiment… attendez sérieux… Iel a dû s’arrêter en pleine course pour… Mais je… Je vais avoir mal au ventre à ce rythme…

Je prends un long moment à réussir à respirer normalement, des larmes aux coins des yeux. Bon, au moins, iel a empêché son chapeau… Iel dit comment déjà ? Trouver sa deuxième aile ? Je glousse une nouvelle fois. Je ne vais pas chercher à comprendre.

A son instar, j’inspire très profondément, laissant la pureté de l’air alpin emplir mes poumons. Maintenant ayant repris mes esprit, je pose mon sac sur le sol - un bien piètre accessoire comparé à celui de Daniel - et en sors la nappe. Je prends le temps de l’étaler soigneusement sur le sol avant de sortir la tarte et de la poser au milieu, très doucement, comme mon père le fait. Je souris à Daniel. “Bon et bien, je pense qu’on peut se mettre à table maintenant !” et je finis de sortir les couverts. Allez, on croise les doigts pour que l’appétit de Daniel ressemble moins à l’espace intersidéral qu’est celui d’Artem quand on parle de sucreries… Enfin en même temps, la barre est haute.

Assis sur mes genoux, je cligne des yeux à plusieurs reprises en regardant le mélange éclectique qui sort du sac de Daniel. Bah c'est une sacré corde. Au moins, on est sûrs d'être vus de loin si la descente est dangereuse. Je glousse encore en lea voyant s'enfoncer comme un clou dans du boi, puis ressortir comme si de rien n'était. Je vous jure, on dirait que je suis dans un théâtre.


Je souris quand iel me tend la serviette. Bien sûr que là aussi la couleur en est particulière, sinon c'est plus Daniel. Lea regarder sautiller, saluer des gens invisibles et tout ce qui accompagne ses mouvements est sacrément énergisant, il y a pas à dire. Sacrément drôle aussi, mais je pense qu'on s'y fait à force. "J'ai des assiettes, t'en fais pas !" Et je sors les objets de mon propre sac, les pose sur la nappe. Je coupe deux grosses parts de la tarte, en dépose la plus grosse dans l'assiette de Daniel. "Bon appétit !" Le soleil brille, l'île est absolument sublime dans sa brillance d'or et d'émeraude. Je me sens vraiment bien aujourd'hui, très loin du passé qui me tenait dans ses filets il y a quelques jours… et je pense que Daniel y est pour beaucoup.

Iel mange vite, lea bonnepersonne. Je mâche lentement ma première bouchée en regardant Daniel dévorer sa part avec presque des étoiles dans les yeux. Wow, c’est quelque chose. Mais quelque part, ça a du sens. Il faut bien remplir les réserves d’énergie qu’iel dépense…

“Trop bon !” Je souris. “Contente qu’elle te plaise !” Je n’en suis même pas au quart de ma part, et lea voici finissant presque la sienne. Dine opskrifter fungerer godt, far.*

- Cet endroit est vraiment beau. Aussi brillant que monsieur qui un nom qui brille.

Je cligne des yeux, mon regard a arrêté de se perdre dans le vert de la forêt. Monsieur qui a un… Et j’éclate de rire, un morceau de tart s’enfonce au fond de ma gorge. Je tousse un bon moment avant d’arriver à le dégager de ma trachée, les yeux rouges. Probablement à cause ça et du rire.

- Attends, c’est comme ça que tu appelles Shining ?, finis-je enfin par demander

Le mystérieux Shining dont rien n’est connu à part son amour pour les manchots… Des fois je me demande ce qui l’a attiré vers le foot. Et pour le moment, surtout ce qui nous attend lorsque les entraînements officiels commenceront.

Bon, franchement, avaler une tarte aux pommes de travers ? Je recommande pas. Je finis par me calmer et prends une bonne gorgée d’eau pour calmer le feu au fond de ma gor— Brrr ! C’est pas possible qu’elle soit toujours aussi froide quand même ! Ou c’est la chaleur de mon corps qui est monté ?

- Bah oui, ce mec brille. Tel un pokémon qu’on aurait chassé pendant des heures. Puis ça lui va bien comme surnom. Il passe pas inaperçu.

Tel un… pokémon ? Pour pas changer, la remarque de Daniel est si excentrique que j'oublie ce qui vient de se passer il y a deux secondes. J’arrête de grimacer et me remet à rigoler, pas de façon aussi dangereuse qu’avant, celà dit.

- Un pokémon ? demandé-je entre deux gloussement. C’est… assez créatif comme adjectif.

Oui parce qu’après avoir vu Artem jouer à Pokémon jusque 3h du matin des fois, j’ai compris la ref.

- Tu l’appelles juste par ton nom toi ?

Je mets une autre bouchée de tarte aux pommes dans ma bouche, hausse légèrement les épaules.

- Euh… oui ? Ce risque de lea décevoir. Mais je garde “le monsieur plus brillant que son nom” quelque part dans ma tête, maintenant.

Et j’écarte les lèvres en sourire. “Pour tout te dire, mon frère aurait plus apprécié la référence que moi, c’est un grand fan de Pokémon. Puis c’est généralement iel qui trouve les surnoms aux gens.”

Et des surnoms pas tout le temps respectueux. Sérieux, Tyoma, “Iglétruc” ? Mon sourire se crispe et je soupire à ce souvenir.

- Mais tu as saisi, c’est ce qui compte après tout. J’espère que ça le fera sourire plus que mettre en colère. Parce que je ne veux pas le voir en colère.

Je m’arrête une seconde, de quoi iel pa… Ah ouais. La plage et ce que j’ai dit quand iel a demandé pour... Je secoue la tête avant que des choses dont je n’ai pas envie de me souvenir reviennent m’éclater dans la face et force un sourire. “T’en fais pas, si c’est de pokémon dont vous parlez, je pense pas qu’il y aura le moindre souci. Au contraire !”

Iel a l’air pensif.ve un instant, je recroque dans ma part de gâteau. Je me demande à quoi iel réfléchit. C’est comme si iel regardait le vide et le monde en entier en même temps. Mais peut-être que l’un est caché dans l’autre quelque part. Comme un.e enfant, ce qui se passe et l’expression de son visage agissent en tandem.

- En tout cas, cet endroit est vraiment beau. Je voudrais pas le quitter pour le moment. Et il y a des gens cool comme toi en plus !

Et comme ça, iel a changé de sujet. Je souris, du fond d’un cœur qui se réchauffe. “Pas trop envie de partir non plus. Ça fait longtemps que j’ai pas eu de soleil, et j’apprécie beaucoup ta compagnie à toi aussi !”

Nouvelle bouchée de ma tarte, et je finis ma part. Puis je sors une bouteille de citronnade de mon sac - achetée, cette fois-ci. J’aimerais bien lui demander ce à quoi iel pensait plus tôt, mais ce serait un peu intrusif. “Et donc, tu es australien.ne ? Ça ne devrait pas trop te choquer qu’il fasse aussi chaud en décembre, donc !” Je glousse. Je suis rentré à l’aéroport avec une grosse doudoune en Angleterre et suis sorti en tee-shirt quand je suis arrivé sur I11. Le monde est bien étrange. “Il est peut-être un peu tôt pour te poser cette question, mais est-ce qu’il y a des choses qui te manquent de chez toi maintenant que tu es là ?”

- Mais tu as saisi, c’est ce qui compte après tout. J’espère que ça le fera sourire plus que mettre en colère. Parce que je ne veux pas le voir en colère.

Quand l’astre du jour vient rejoindre les oiseaux ? Ah ! Iel parle du soleil ? Et son incapacité à bronzer ? Enfin, je pense. On sait jamais trop avec iel. Mais c’est une belle image qui me fait sourire alors que j’ouvre la bouteille de citronnade.

“La seule chose qui me manque, c’est mes cousins et cousines. Certains sont aussi fou de foot que moi.” Ca, je peux comprendre. On avait jamais envie de partir de Russie, plus jeunes. “Mais en dehors de ça, rien me manque. J’ai la mer, les vagues, le soleil, puis des personnes avec qui parler sans avoir à choisir.”

L’espace d’un instant, mes sourcils se crispent. Choisir ? Ah… J’imagine que ça doit être son identité non-binaire. Enfin, de ce que je sais sur iel, je me trompe peut-être. Iel a vécu dans un environnement pas très accueillant de ce point de vue là, alors… ? Je verse minutieusement la citronnade dans son verre en cogitant. Je ne peux qu’imaginer à quel point ça a été difficile. Nous-même avons dû cacher une partie d’Artem à notre sem’ya* pendant des années pour éviter la catastrophe. “Je suis content que tu te sentes à l’aise avec moi, ça me touche…” dis-je tout simplement en versant la limonade dans mon propre verre. Mes mots sont sincères, s’iel peut se sentir à l’aise avec une personne de plus sur Terre, qui ne la jugera pas pour sa différence, on m’en verra très heureux. Je n’ai pas envie de plus creuser, il vaut mieux ne pas remuer le couteau dans la plaie. Puis ça ne me ressemble pas de poser des questions sur ce qui les tracasse aux ge—

- Si tu parle de cette personne pour laquelle tu as pleuré, je me fâche.

Cette fois, ce n’est pas son visage dans la lumière et les fleurs ornant ses cheveux qui me reviennent en tête, mais le moment où j’ai réalisé que je ne la reverrai sans doute jamais. Je renverse un bon demi-verre de limonade sur la nappe. “For pokker…”** fais-je à mi-voix. Je secoue la tête, les émotions qui remontent avec - la honte aussi, et sors un torchon de mon sac. Je veux dire, ma stupide rechute sera toujours notre première rencontre à Daniel et moi, pas vrai ? Tsk…

- E-euh, non, enfin… Je ne lea regarde pas. Je n’ai pas envie de parler d’elle, même à l’avenir si tu veux bien. Ca faisait vraiment longtemps que je ne m’étais pas retrouvé dans cette situation… Je m’embrouille. Enfin bon, passons…

J’inspire, expire, nettoie la nappe et mes pensées vont graduellement vers autre chose.  “Mon chez moi…” commencé-je à mi-voix. Puis je range le torchon de côté et lève les yeux vers iel en forçant un sourire. C’est difficile de rester embarrassé quand on est en sa compagnie, de toutes.

-  J’ai beaucoup de “chez moi”. Mon père est danois et ma mère est russe. J’ai grandi au Danemark, mais toute notre famille embarquait pour la Russie dès que l’opportunité se présentait ! Quand on y allait, ma famille danoise et les balades sur la corniche d’Aarhus me manquaient. Quand je rentrais au Danemark, ma famille Russe, les dîners de famille et les histoires de ma grand-mère me manquaient. Je marque une pause, pensif. Mon attention se pose vers la ligne d’arbres qui fait obstacle au ciel. Quelque part, quand on va à différents endroits… On collectionne le manque. Mais c’est peut-être ce manque qui nous donne envie de vivre. Parce qu’on réalise que sans ça, il n’y aurait peut-être pas l’envie de s’élancer vers de nouvelles aventures.

Puis je réalise que je me perds dans mes pensées, et je pouffe. “Regarde-moi philosopher de bon matin !” Je rigole bien comme il le faut avant de continuer mon petit résumé de là où je “viens”.

- Sinon on a vécu en Angleterre plusieurs années avant d’arriver ici avec mon frère. De là-bas, ce qui me manque le plus, c’est probablement toute la diversité de musique qu’on peut entendre dans les bars. Et mes amis de mon ancien club, bien entendu.

Envers qui et pour qui je serais à jamais reconnaissant pour toutes les façons avec lesquelles ils m’ont aidé à évoluer.

Jiraya ? Le personnage de Naruto ? Attendez, Jiraya qui fait des passes ? Une forte exhalation s’échappe de mes narines et j’éclate de rire. Bien sûr que je sais qui Jiraiya est. Je n’ao pas beaucoup regardé ce show, mais beaucoup de personnes autour de moi en sont toujours de grands fans après plusieurs années. Et l’image de ce vieil ermite qui tape dans un ballon de foot est juste… Puis le rapport entre ça et ma tirade de toute à l’heure ? Mais comment iel fait pour sortir ce genre de choses ?

J’inspire, expire, calme enfin mon éclat de rire. Je vais avoir mal au ventre à ce rythme !

- Pour la diversité de la musique, il suffit de voir le nombre de personnes ici. Il y a de quoi faire de belles découvertes. Je parie tout ce que tu veux que je ne connais pas le quart de musiques que tu connais. Le monde est immense.

Ce à quoi j’acquiesce. Immense, c’est bien le mot. Je me demande combien de secrets musicaux se cachent derrière les coins du monde dont je ne connais finalement pas grand-chose. Je n’aurais jamais pensé éclater de rire devant une tête bleue dans l’autre moitié du monde alors qu’il y a quelques jours, cette même tête bleue m’a rencontré à mon plus bas. Je me demande s’il y a une chanson sur ce genre de rencontres improbables. Certainement quelque part.

- J’aime beaucoup partager ma musique, donc si tu veux des recommandations, n’hésite pas à m’en faire part. Je ne sais pas si mes morceaux vont te plaire, mais voilà, déclaré-je.

Et puis, iel continue. Iel n’a pas trop l’air de se rendre compte d’à quel point sa façon de décrire les choses et de réagir aux propos des autres est unique. Mais c’est bien ce qui fait sa spécialité.

- Pour ce qui est des clubs. Ça ne me manque pas tant que ça. Le niveau ici me permet de me dépasser. Il ne faut pas trop boire, sous peine d’être moins efficace sur le terrain. Mais il y a sûrement des soirs de fête sur l’île.

Je hoche légèrement la tête en guise d’approbation, mais mes pupilles vont vers le haut de mes yeux ce faisant. Puis je me souviens de ce que je voulais dire.

- Ah oui ! C’est vrai, maintenant que j’y pense. La première soirée de l’île va avoir lieu dans le bar de la résidence citadine bientôt, apparemment.

J’ai vu les flyers un peu partout dans le châlet, donc c’était difficile à rater. Puis j’allais lui demander s’il y allait mais je me rends soudainement compte qu’iel est peut-être trop jeune ? Je me contente donc de sourire, ce serait gênant. “Et ne t’inquiète pas, niveau alcool, je fais attention” conclué-je à la place

- Je ne dois pas boire, le résultat n’est pas joli à voir, il parait. Je te laisse en profiter.

Je souris. Je ne sais pas si ça veut dire qu’iel ne tient pas bien l’alcool ou autre chose, mais je lui fais confiance s’iel dit que ce n’est pas beau à voir. S’iel ne veut pas qu’on le voie ainsi alors qu’iel n’a aucun problème à dire et à se comporter de façon tout à fait excentrique, c’est que ça doit être grave ! Et je glousse à cette pensée.

Puis iel parle de nouveaux horizons. C’est une des principales raisons pour lesquelles je suis ici. Je n’ai connu que le Nord de l’Europe et la Russie, bien que ma vie entre tous ces endroits m’ait fait rencontré des gens de partout. Mais leur diversité et leurs expériences ne sera sans doute pas aussi grande que celles des personnes que je vais rencontrer ici. Même pas deux semaines et je rencontre la personne la plus loufoque que je connaisse ! Il me tarde de voir avec quels autres genres de personnes je vais partager mon temps autour de ballons et de feux de camp. Et de découvrir comment leur vie a impacté leur façon d’être, leur magie et leur façon de jouer au foot. Il y a une comme sorte de fil qui relie ces aspects d’une personne dans notre monde du ballon bicolore, et l’observer est toujours fascinant.

Jouer à Pokémon ? Je me demande de quel genre d’horizons iel parlait pour le coup, j’ai pensé aux contrées d’origines et aux parcours de vie, mais je ne sais absolument pas si c’est ce qu’iel voulait dire.

- C’est pas trop nul comme plan, répondé-je en élargissant mon sourire. Je ne passe pas beaucoup de temps en boîte non plus, donc si tu veux venir au chalet pour une soirée musique un de ces quatre, tu es lea bienvenu.e. Tu pourras me faire découvrir ta musique japonaise, et je passerai des titres de chez moi. D’autres endroits aussi, si tu veux, j’en connais quelques uns grâce à mes amis.

D’ailleurs mon ex m’avait fait découvrir de la musique arabe que j’écoute encore de temps en temps, allais-je ajouter. Mais laissons le sujet de Maya clos pour le moment…

- Si le nombre de nationalités est grand, je suppose que le club essayera de contenter tout le monde. Donc aussi des découvertes musicales. S’il passe des titres de chez moi, pense à moi.

Puis je rigole, attendri. “Oui, ne t’en fais pas, je penserai à toi ! Tu as des artistes préférés ?”