Rochers et tarte - Pv Shura

Je savais que ça lea tenterait de faire des soirées musique. Mais iel a l'air de franchement attendre ça avec impatience et ça me réchauffe le cœur. Peut être tout autant que le soleil qui brille très fort au-dessus de ma tête pour une des premières fois de ma vie. Mes amis qui venaient d'endroits plus chauds m'ont souvent dit que la chaleur du soleil leur manquait, mais plus la chaleur qui vous donnait l'impression qu'elle "vous faisait un câlin" que celle qui "vous agresse quand vous mettez un pied de trop dehors à midi". Je n'avais jamais vraiment compris ces propos, mais ce matin, j'ai l'impression que je comprends un peu mieux.

Et puis Daniel chante son amour pour les chansons de Naruto, chose qui m'amuse. Je me disais bien qu'iel avait l'air de beaucoup aimer ce show, mais vu son numéro de ninja tout à l'heure et iel qui cite ses chanteurs comme ses préférés maintenant, en passant par son image particulière de Jiraya tout à l'heure, je dirais que j'ai affaire à quelqu'un de bien passionné par les histoires du ninja et son renard à neuf queues.

Franchement, plus le temps passe plus je me dis qu'il faut absolument que je lea présente à Art'.

- Ah, Queen, répondis-je gaiement. Mon papa aime beaucoup aussi, même si lui, ses groupes préférés sont plus Pink Floyd ou les Beatles. J'ai beaucoup écouté ce genre de musique avec lui.

Puis je me verse un nouveau verre de limonade. On va pas se mentir, il commence à faire un 'tit peu chaud sur les bords. Je pense qu'on se rapproche de plus en plus du fameux moment de la journée durant lequel le soleil vous agresse quand vous mettez le pied dehors. "J'aime beaucoup Ed Sheeran aussi, sinon ! Ma préférée de lui c'est I see fire" et je pose la bouteille près d'iel au cas où iel en voudrait aussi.

- De mon côté pour la musique en anglais, mes disques préférés sont probablement ceux de Of Monsters and Men, un groupe islandais. Ils font de la très belle musique, toute vulnérable et pleine de symbolismes. Ils sont franchement incroyables.

Et puis je me souviens que euh… "J'avais joué une ou deux chansons d’eux la dernière fois." Et je force un peu un sourire tout en fixant mon verre de limonade.

J’acquiesce tout simplement quand iel me répond, puis lui dit que c'est avec plaisir. Puis on s'est juste tu. On s'est tu et on regarde. On laisse nos sens faire ce qu'ils savent faire de mieux.

Je sais bien que ce n'est que la deuxième fois que je monte ce cirque, mais je me doute sincèrement que je me ferai à cette vue un jour. Les douces teintes qui tout à l'heure rosaient la forêt ont maintenant disparu pour laisser l'émeraude éclater en épines dorées, et c'est ainsi que l'horizon est formé. Le vent, bien que soufflant sous un soleil qui tapait de plus en plus fort, restait frais comme l'éclaboussure d'un courant limpide. J'inspire, expire. Les nuages dans le ciel brillent presque, mais loin du soleil, comme pour ne pas le gêner. On aurait presque dit que le gris des rochers autour de nous reflétait leurs éclats. Tel un miroir. Je ne me souviens pas de la dernière fois que j'ai pensé que des nuages pouvait être aussi beau…

Puis Daniel parle de rentrer et ça me tire finalement de ma contemplation. Je souris. Ses cheveux ont l'air encore plus bleus maintenant que le soleil était aussi haut dans le ciel. "Ce serait sage comme décision."

Puis je tilte sur un truc et je cligne des yeux.

- Ah mais c'est vrai ! m'exclamé-je en riant. Je t'ai pas demandé ton équipe. Je suis de la Chimérique, de mon côté.

Avec tout ce qui s'est passé, ça ne m'a même pas effleuré l'esprit. Si ça se trouve, iel est Chimérique aussi et je n'en aurais rien su jusque maintenant. Vu l'agilité et la vitesse avec laquelle iel a gravi les hauteurs toute à l'heure, ce ne serait pas étonnant. Je commence à me lever. Les entraînements ne sont pas supposés commencer tout de suite, donc je suis curieux.

- Ton équipe a quelque chose de prévu aujourd'hui ?

Si c'est le cas, ça pourrait être intéressant. Coach Iglésias nous a dit que les entraînements ne commenceraient pas tout de suite, mais je me demande si les autres coachs organisent quelque chose pour leur équipe en attendant.

Je cligne des yeux quand Daniel m'annonce qu'iel est de la Harde.

– Vraiment ? m'exclamé-je. Et moi j'ai hésité entre mon équipe et la Harde ! J'aurais adoré être ton coéquipier, mais bon, j'imagine qu'on a tous les deux fait notre choix pour une raison.

La mienne c'est que j'ai considéré que j'en avais plus à apprendre par le biais du modèle de la Chimérique que par celui de la Harde, même si trancher entre les deux équipes a été difficile. Je pense que j'ai fini par trancher parce que je me suis dit qu'être séparé d'Artem serait franchement bizarre. Mais j'aimerais vraiment être entraîné par coach Nayanesh et coach Nandini un de ces quatre, ils ont franchement l'air incroyables. Et une des raisons pour lesquelles j'aime autant le foot, c'est justement la communauté avec qui j'ai partagé tant de choses – du temps, des cœurs brisés, des larmes, des éclats de rires, des victoires, des échecs. Tellement de moments précieux.

Je hoche la tête en signe de compréhension quand iel me dit qu'iel voudrait faire de son mieux pour rencontrer ses coéquipiers, puis glousse doucement quand iel dit que les coachs sont comme ses parents. C'était effectivement l'impression qu'ils m'ont donné. Un papa et une maman qui vous aiment beaucoup mais qui vous feront aussi travailler très, très dur.

Puis je me mets à ranger les dernières choses qui m'appartiennent dans mon sac. Je rigole quand Daniel se remet à parler de ninjas, puis j'en arrive à la tarte et à la citronnade. Je me redresse, puis en prenant un faux air de sérieux, les lui présente.

– Avant que nous nous quittions, noble ninja, tu garderais ces provisions pour ta prochaine mission ?

Iel a l'air de les avoir beaucoup apprécié, surtout la tarte. Donc je pense qu'elle lui fera beaucoup plus plaisir qu'à moi, elle et la citronnade.

J’ai grand mal à retenir un nouveau rire quand Daniel se lamente sur sa pauvre vie de ninja perdue puis prend la tarte sans aucune hésitation. Son expression à très vite changé entre les deux actions, mais j’aurais presque cru qu’iel croyait réellement à son histoire une seconde plus tôt. J’ajuste mon propre sac sur mes épaules alors que Daniel range les biens que je lui ai tendus.

– C’est apprécié, je devrai te rendre le fond de tarte et ta bouteille. Cela te donne la garantie de me revoir, c’est cool.

Je cligne des yeux et glousse encore, attendri.

– Tu n’as pas besoin de ça pour avoir cette garantie, crois-moi ! Je ne pense pas qu’on risque de passer beaucoup de temps sans se voir. J’ai beaucoup apprécié ta compagnie, aujourd’hui comme la dernière fois.

C’est un sacré phénomène qui se tient devant moi: une tête bleu aux façons particulières, de la parole à la danse, et pleines de surprises. Je suis sur de ne jamais m’ennuyer avec iel, et je sens qu’iel est sincère quand iel parle de quasiment tout. Presque comme un enfant.

– Merci encore d’avoir essayé de me remonter le moral sans même me connaître, ça a beaucoup compté pour moi…

Parce que peu importe combien de personnes partent et à quel point elles étaient importantes pour vous, le plus important, c’est de continuer à avancer. Et rencontrer Daniel me l’a rappelé. Même si je continue à avoir le regard fuyant en parlant de ça parce que ça reste très embarrassant… et que je me demande encore de temps en temps comment j'ai fait pour faire une rechute aussi moche.

Je souris un petit peu plus devant sa réaction à mes mots. Je commence à me faire au fait qu’il réagit comme un enfant à qui on a fait un compliment à des choses que je considère aussi naturelles qu’exprimer mon appréciation et ma gratitude. Mais si ça me dit quelque chose, c’est que Daniel est bien quelqu’un qui sait donner leur valeur aux petites joies du quotidien.

Puis iel parle de ses cousins, et je glousse. Les miens aussi comptent beaucoup pour moi, donc je comprends. C’est très beau de voir une famille soudée…

- T’en fais pas, je compte pas me débarrasser de toi de si tôt ! appuyé-je en rigolant.

Mais le fait qu’iel répète ça et le soupçon de changement que je repère dans son rire me fait me demander si c’est par modestie ou quelque chose de plus profond, mais je ne montre rien de ma pensée.

- Tu peux compter sur moi pour te redonner le sourire, l’amitié c’est aussi ça. Même si ça fait de moi presque un membre de la guilde trublion mais forte.
- Pareil de ton côté ! opiné-je en riant toujours. Je suis là si tu as besoin de parler. Et ta trublionne-rie est bien divertissante, donc je ne m’en plains pas !

Je ris encore un instant, décidément, j’en ai pas fini d’en voir, des façons particulières de formuler des idées. Et iel risque d'être déçu.e s'il y avait une ref que je n'ai pas entièrement compris. Je sais bien ce qu'est une guilde (merci Artem.), mais si c'était quelque chose de plus solide et que j'ai juste pris ça pour une blague, je risque de descendre dans son estime ! Et on veut pas ça !

Puis je regarde autour, histoire de m’orienter. N’étant pas encore le plus familier avec l’endroit, je ne sais plus trop à quelle distance nous sommes du téléphérique, donc je sors Maps sur mon téléphone. “Ah ! On est pas très loin du téléphérique qui descend vers le pied du cirque,” constaté-je, puis je lève la tête vers Daniel. “Tu veux qu’on y aille ? Vu le soleil, je pense qu’il ne vaut mieux pas redescendre à pied, au risque de tous les deux nous transformer en tomates grillées !,” pouffé-je. Mais intérieurement, je continue à penser à sa phrase d’il y a quelques instants. à comment iel a inspiré et expiré en regardant la forêt, comme s’iel sortait un poid de ses poumons. Ou qu’iel jetait une bouteille avec quelque chose de très désagréable au fond de l’océan… Enfin, peu importe si je lis trop dans les gestes des gens, et j’espère que je me trompe, mais si ce n’est pas le cas, je prie pour qu’on arrive à ne plus repenser à ce qu’on a confié aux bras des vagues tous les deux.

Du pain, de la dinde et de l’huile d’olive ? Je glousse. Je garde cette image aussi en tête, pour quand j’ai envie de dire que je risque de cuire. Je pense que ça risque d’être fréquent, vu le soleil et ma peau trop blanche.

Nous marchons donc vers la station de téléphérique, et quand on en voit le toit–

– Il est là, à nous la descente du Mont Cheminée ! Trop cool.

Le mont Chem— j’éclate de rire. Pour la trente-sixième fois de la journée. Non mais parce qu’imaginer le cirque en cheminée, avec le père Noël qui descend dedans c’est juste… Bozhe moi*, iel me tue, cette personne…

Marchant difficilement vers le moyen de transport, le fou-rire se change graduellement en attendrissement quand j’ai à nouveau l’occasion de voir à quel point Daniel reste un.e enfant. “Oui, on peut voir dedans,” répondé-je. “Je l’ai pris une ou deux fois, la vue est magnifique.” Et là j’ai franchement hâte de lea voir dans l’engin.

On finit par y arriver. On a de la chance, il y en a un stationné, donc pas besoin de rester là à l’attendre au moins une demie heure ! J’y rentre en premier, comprenant que c’est la première fois qu’iel va utiliser un téléphérique. Vu toutes les randonnées que j’ai fait dans ma vie, souvent dans de la neige épaisse, disons que j’ai l’habitude. Je lui souris, l’invitant à venir à l’intérieur. Je me demande s’iel aura envie de venir dans ma chambre ou de continuer directement vers le terrain rasé, tiens.

Bon bah ça va, iel a pas l’air d’être intimidé.e. Du tout. Je dis ça parce que beaucoup de mes amis avaient un peu le trac avant de rentrer dans un téléphérique pour la première fois, mais je ne suis pas surpris de voir que ce n’est pas le cas de Daniel. Iel va même près de la fenêtre et se met à chantonner, un tableau qui me fait rigoler doucement. Je souris quand iel renchérit, iel a l’air tellement heureux.se à la vue de cette nouvelle expérience que je ça m’attendrit, encore une fois.

Puis le téléphérique se met en marche, et iel n’a pas du tout l’air dérangé par les vents, selvfølgelig*. Moi, je reste assis et contemple le paysage, les arbres et le ciel qui défilent lentement devant nous, avec la chanson de Daniel en fond. Et dans ce téléphérique, j’ai l’impression qu’on passe doucement d’un monde à l’autre, qu’en même temps, on a l’occasion de voir l’un se changer en l’autre.

L’engin se met à ralentir, puis Daniel m’explique qu’iel vit aux bungalows. Sa blague sur les mouettes me fait à nouveau rire, le surnom qu’iel donne à Shining encore plus. Je ne me suis pas du tout encore fait au “Monsieur qui brille plus fort que son prénom.”

– Yes, acquiescé-je, je suis très content de son choix aussi. Toute l'île est franchement magnifique.

Puis on s’arrête, et j’aperçois le chalet pas très loin de là où on est.

– J’habite juste ici de mon côté ! Tu veux venir dans ma chambre ? On transpire comme des chameaux, mais tout le monde peut utiliser les douches dans la résidence. Et je finis ma phrase en gloussant.